Mon premier vrai reportage naissance
Fin décembre, j'ai vécu ma première expérience de reportage photo d'accouchement, et vous avez été si nombreux à me demander comment j'ai vécu cette aventure. Tant de questions pour savoir comment ça s'est déroulé, comment j'ai vécu l'expérience et surtout pourquoi ce projet me tenait tant à cœur, n'ayant que très rarement abordé ce projet.
La question qui revient le plus souvent, c'est "Pourquoi ?". Ce pourquoi, a été posé avec des émotions si différentes. La fascination, l'étonnement, la peur et même le dégoût!
Je pense sincèrement que notre réaction dépend de nos antécédents personnels et notre expérience.
Pour ma part, j'ai vécu 2 accouchements globalement similaires. J'ai été très suivie médicalement, quelques complications, mais rien de grave en soi et des accouchements très rapides. Tellement rapides que je n'avais pas vraiment le temps de réaliser que je donnais la vie, que c'était là le commencement de notre famille. Avec le temps, j'ai l'impression d'oublier des scènes de mes accouchements, et n'ayant pas de photos de ces moments, rien ne peut m'aider à m'en souvenir.
Ma rencontre avec la Doula & la future maman
En avril 2022, je rencontre sur Instagram Claire, une Doula en Indre-et-Loire. On discute de nos enfants, nos parcours et une chose en amenant une autre, je lui fait part de mon envie de réaliser au moins une fois un reportage photo d'accouchement à domicile. Elle me parle de son expérience, au Mexique et en France. De l'importance de savoir comment se déroule une naissance physiologique à la maison. Elle a su me rappeler que les besoins d'une femme qui accouche ne sont pas l'idéal pour les photographes, surtout en terme de luminosité. Mais le besoin de silence, discrétion de la part des accompagnants autour m'ont aussi rassuré et conforté dans l'idée que j'étais capable de réaliser ce type de reportage.
Fin juillet 2022, ça y est, Claire revient vers moi, pour me parler d'une future maman qui souhaite immortaliser son accouchement, pour une naissance prévue le 2 janvier. Elle nous met très rapidement en relation. Bien sûr, le côté humain étant primordial, nous avons naturellement besoin d'en savoir plus sur l'une et l'autre. Un moment de vie si intime, ça ne s'improvise pas avec n'importe qui.
Déborah et moi, nous nous sommes tout de suite bien entendu, tout était si naturel dans nos échanges. Elle m'a proposé d'immortaliser sa Blessingway, prévue quelques mois plus tard, ce qui nous permettrait de savoir si le feeling était là aussi en vrai.
La Blessingway de Déborah
Je suis pleine de gratitude envers Déborah, qui m'a permis de découvrir et immortaliser ce moment magique.
La Blessingway est un rite de passage venu des Indiens Navajos d'Amérique du Nord. On y célèbre la transition de l'état de femme à celui de mère et a pour but de transmettre à la future maman des énergies positives dans un cadre bienveillant et rempli d'Amour.
Ce fut un moment incroyable, hors du temps, Déborah a été entourée des femmes de sa vie, et la vague d'Amour et d'émotions présente ce jour là, a réussi à m'atteindre aussi. C'était une évidence, ma première expérience de reportage de naissance allait avoir lieu avec Déborah, et j'avais hâte de vivre cette expérience.
Le jour J approche ...
Trois semaines avant le terme, l'astreinte commence. Je me suis préparée à être appelée à tout moment. Le matériel est tout le temps prêt, les batteries chargées, les cartes SD formatées.
Physiquement, je suis fatiguée de la période que je viens de traverser professionnellement. Mon téléphone étant allumé jour et nuit, je dors mal, je me réveille souvent, dans le stress d'avoir manqué un message. Je reste en contact avec Déborah, qui sent que ça se prépare puis le calme revient dans son corps. En attendant, nous nous organisons avec Claire la Doula, et décidons de covoiturer pour le jour J, car nous avons 1h de route, nous décidons de doubler les informations, au cas où l'une de nous manque un message ou appel de Déborah ou la sage-femme.
C'est enfin le jour J !
Les jours passent et on s'approche dangereusement de la date du terme, ce qui pourrait empêcher de mener au bout le projet.
Le 29 décembre, vers 22h, Claire m'annonce que les contractions de Déborah reprennent, ce n'est pas encore super actif mais y a des chances que ça s'accélère bien dans la nuit. Elle me conseille donc d'aller faire une petite sieste en attendant. Tu parles, mon cerveau est en ébullition ! Je revérifie mon sac pour la énième fois, je mets du redbull au frais, prépare des barres de céréales, et attends (im)patiemment dans mon lit que Claire me donne le top départ ! J'ai l'impression de me préparer à partir à la Guerre...
Minuit, Claire me dit que je peux partir tranquillement et passer la chercher. Me voilà, à siroter mon Redbull en conduisant, sans savoir combien de temps l'aventure va durer. Je suis assez zen, pas de stress, c'est enfin le jour J, une expérience magnifique nous attend.
Nous arrivons vers 1h00 du matin, Marion, la sage-femme nous accueille avec le sourire, et j'entends les gémissements de Déborah qui proviennent de la pièce d'à côté, y a plus de doute, on y est. Nous entrons dans la chambre, Mickaël est là, il soutient Déborah pendant sa contraction. A la fin de celle-ci, elle lève la tête, comme rassurée de voir nos visages, signe que son bébé va bientôt arriver.
Je ne parle plus, je passe en mode discrétion, concentration, pour les laisser dans leur bulle et ne pas interférer dans ce qu'il va se passer. Déborah gère sa douleur et décide d'aller dans le spa, l'eau chaude l'aide à supporter les contractions. Mickaël l'aide comme il peut pour soulager sa douleur. Je suis spectatrice du soutien que son homme, Claire et Marion lui apportent, c'est beau...
Les contractions s'enchaînent, le travail avance doucement. Déborah se déplace finalement vers le lit, elle souffre sous mes yeux, et je ne peux rien faire. Je me sens tendue à chaque contraction avec elle, je n'ai qu'une envie c'est de poser mon appareil photo, lui dire qu'elle y est presque, qu'elle est forte. Ce n'est pas mon rôle aujourd'hui, je n'ose même pas lui parler, de peur de gêner. Mais quand nos regards se croisent, que ce soit avec Déborah, Mickaël, Claire ou Marion, je sens que mon sourire bienveillant est suffisant.
Je suis dans un petit coin de la salle pour ne pas les déranger, je les observe comme captivée en essayant de comprendre ce qu'il se passe dans son corps. Elle se relève, s'accroche à l'écharpe à l'aide de Mickaël, et elle perd les eaux.
Déborah change plusieurs fois de positions, elle ne comprend pas pourquoi sa fille n'est toujours pas là. Marion est là pour contrôler le coeur de bébé pendant les contractions, elle rassure, tout va bien, la tête descend bien. Entre deux contractions, Mickaël s'allonge près de sa femme, c'est beau, comme si le temps s'était arrêté un court instant, pour reprendre des forces.
Elle arrive !
Marion propose à Déborah le banc d'accouchement, la position assise l'aidera à faire descendre bébé. Tout le monde s'installe autour d'elle. On sent que ça devient de plus en plus douloureux et que tout s'accélère aussi ! Marion se tient devant elle, et lance un "On y va!". Et Déborah lève soudainement la tête, comme soulagée, et répond "à l'hôpital ??". Ah non, bébé arrive !
Tout va très vite, une contraction, puis une autre et ce cri différent des autres, tu sens que c'est le dernier ! Mickaël est tout près de Marion, pour l'aider à réceptionner la merveille.
Elle est là !! Il est 3h57 et Luna est là dans les bras de sa maman. C'est si soudain, que Déborah peine à réaliser. Elle se tient là, devant nous, Luna dans les bras, et regarde chacun de nous, avec ses grands yeux écarquillés et nous répète "Mais elle est là ! Elle est là ! Je l'ai fait !!!".
Je me sens à ce moment là, comme transportée dans le tourbillon d'émotions, je suis soulagée, émue, comme si j'avais retenue aussi mon souffle toutes ces dernières heures. Je suis heureuse d'être témoin de tout ce bonheur !
Mickaël se tient debout, figé, il réalise et est envahi par l'émotion, Déborah lui répète "Je t'aime ! Je t'aime!". Waou... Le temps s'est de nouveau arrêté.
Les parents s'installent dans le lit, font du peau à peau, contemplent leur petite poupée, elle est belle, si parfaite, elle va bien.
Déborah ressent de nouvelles contractions, le placenta est sorti. J'observe, Marion nous montre la poche où se logeait Luna, c'est incroyable ! A aucun moment, j'ai ressenti du dégoût par la vue du sang, au contraire, j'étais impressionnée. Découvrir le sang qui circule par le cordon, entre le placenta et Luna, incroyable !
Déborah retrouve des couleurs, elle va prendre une douche, revient avec sa jolie culotte jetable, sexy ! Tout le monde est détendu, on rit ensemble. Papa profite du peau à peau, Déborah se lève, comme si tout allait super bien, mais Claire lui conseille de s'allonger, et s'occupe de lui préparer un petit bout à grignoter.
On les laisse profiter de ce moment tous les 3.
Je suis Claire et Marion dans la cuisine. Claire est en train de faire les empreintes du placenta. Waou encore une belle découverte pour moi, on dirait un arbre de vie !
Il est temps pour Claire et moi de reprendre la route, sous la pluie, mais nous discutons en voiture et le temps passe plus vite.
Il est 7h, je rentre et me couche. Je pensais que j'allais dormir comme un bébé, mais non, j'étais comme sur un nuage, en me demandant si je n'avais pas rêvé. Je me lève finalement 2h plus tard, avec l'envie de décharger les photos, partagée entre l'envie de revivre ce moment sur l'écran, et la peur d'avoir loupé mon reportage techniquement, compte tenu des conditions difficiles en terme de luminosité.
Et là, je suis scotchée devant mon écran d'ordinateur, au diable la technique, je revis chacune des scènes, les larmes coulent sur mon visage et je réalise enfin que... j'ai vu naître LUNA.
Ce reportage photo est incroyable... J'ai l'impression d'avoir ressenti toutes les émotions que tu as pu ressentir à ce moment-là, tellement les photos dégagent des émotions fortes ! C'est dingue comme expérience que tu as pu vivre !
Quel jolie témoignage 😍